Laurent Grenier
Une chaise de camping, un café à la main, et deux hommes face à moi. Personnalités différentes et pourtant complémentaires réunies autour d’une même passion : le shape.
Tout d’abord Laurent alias Mao ; pas très grand, des petites bouclettes, silencieux comme un sage qui apprend à connaître le personnage, le projet, observateur et puis d’un coup, PAM ! Ça part, le charisme, l’aisance oratoire te laisse scotché à ses paroles et il te raconte tout comme si il y était …
La Grange du Shaper : Quand et pourquoi as-tu commencé à shaper ?
Mao : Il fallait que je fasse ça ! Diplômé du BE surf en 2007, j’ai ouvert mon école de surf par la suite à Messanges. Je donnais mes cours et je voyais progresser mes élèves… qui venaient ensuite me voir pour savoir quel genre de planche pourrait leur correspondre. Je n’y connaissais pas grand-chose en planches de surf, j’avais une culture très faible. Le surf a toujours été dans ma vie, j’ai surfé les planches qui existaient à mon époque, j’ai suivi la période mais je suis resté shortboard, roller à midi, je viens de là… J’étais emmerdé et je me suis dit : « Mao, apprend à fabriquer des planches et tu boucles le truc, c’est-à-dire que tu fabriques l’engin pour lequel tu es professeur donc c’est génial ! ».
LGS : Comment as-tu appris à shaper ?
Mao : Je suis d’abord allé voir Guitou (Guitou Garcia) à Seignosse (2009) où il m’a fait faire le shape de ma première planche. Un an après, je suis passé voir Ivan Amelineau à Messanges pour lui dire que je voulais apprendre à fabriquer des planches. Il a été surpris et m’a fait une super formule qui m’a permis d’avoir une autonomie sur les premières techniques de fabrication. Le package « Deluxe » shape, stratification, ponçage et déco spray.
On a survolé tout ça et pendant 2 ans, il m’a pris en main pour ensuite me laisser naviguer seul. J’ai fait ma première saison solo en 2013 et ça m’a plu, je n’ai pas réussi à m’arrêter ! J’apprends toujours et c’est génial. C’est épuisant, pas forcément dans des supers conditions mais j’adore.
LGS : D’où viennent tes influences ?
Mao : Je les ai depuis tout petit… A 12 ans quand on m’a mis sur une planche à Anglet, j’ai été passionné par ça. Franck Lacaze, les mecs de la Grande, j’ai grandi avec cette génération.
Le shape, on l’a pris en plein dans la gueule ! À l’époque, on prenait les planches qui traînaient, on surfait des shortboards épais avec un dome deck. Tout d’un coup, il y a des planches anglaises qui sont arrivées, montées en quattro, des saucisses toutes petites, on ne prenait pas de vagues…
Et puis Pam !!! Le thruster qui s’est pointé toujours plus fin, allongé, et il s’est démocratisé de plus en plus en entrant dans les compétitions. C’est avec Curren qu’on a commencé à surfer le 6 pieds, le 6.2, le 6.4 et le 6.6 et ensuite on montait en 7.2 quand c’était gros.
Ensuite, quand Kelly Slater est arrivé, on s’est retrouvé à avoir des planches de plus en plus fines. Moi, j’avais des planches en 17 ¾, 6.2, je surfais la gravière alors tu vois le truc. Avec le rail qui va bien et un rocker de dingue, on prenait très peu de vagues. Par la suite, Slater s’est calmé et il a écrasé de nouveau la planche, plus large et plus courte et il a tenté le 5.10 au Pipe.
C’est toute cette époque-là qui m’a influencé à la fois dans mon surf et maintenant dans mon shape.
Mais, ce qui est génial dans le surf, c’est qu’effectivement, il y a ce courant là mais il y a tout le courant alternatif (single, twin) qui est arrivé, ce qui permet à chacun d’avoir sa propre voiture. C’est ça qui est intéressant et qui me permet de continuellement progresser dans ma passion du shape et du surf. Même si je suis issu du shortboard, je prends beaucoup de plaisir à surfer toutes sortes de planches.
Enfin, aujourd’hui, ce sont aussi mes clients qui m’inspirent sur mon shape. Ma richesse de modèles, ce sont mes clients qui me la donnent. Ils deviennent bons, veulent une planche, et je sais ce qui leur convient et ce que je peux leur shaper.
LGS : A chaque courant, un type de surf ?
Mao : Les planches, il faut considérer ça comme des véhicules. Il y a la F1 que tu fous sur un circuit, là tu pousses tout, c’est une bombe. Et puis tu as le gros Berliet, double semi-remorque, grosses roues… l’énorme machin, mais tu le mets pas sur le circuit, c’est un autre délire. Le surf s’est pareil, il y a le noseriding et puis la Formule 1 avec le short performance et ce n’est pas le même délire.
LGS : Quel est la planche que tu préfères shaper ?
Mao : J’aime beaucoup la Voltage.
LGS : Qu’est ce qui t’a inspiré ce modèle de shape ?
Mao : Je me suis inspiré d’une planche faite à Hawaï dans les années 70. A cette époque, techniquement, le shape était allucinant. Elle avait été shapée pour une surfeuse hawaïenne qui avait remporté une compétition locale.
LGS : Quelles sont les conditions idéales pour cette planche ?
Mao : Comme la plupart des modèles hawaiiens, c’est une planche qui tient le gros. Elle est parfaites dans des vagues à 1,50 ; 2m mais elle est aussi très surprenante et maniable dans les petites vagues.
LGS : Quel est pour toi le meilleur moment dans la réalisation d’une planche ?
Mao : Quand j’appelle Philou (Reimann Surfboards), que je lui montre ma planche et qu’il reste un peu scotché ! (rire)
(C’est à ce moment là où La Grange du Shaper a hésité à rédiger un article non pas sur un shaper mais deux shapers… 😉)
Le retour La Grange du Shaper :
Tu t’imagines là, à écouter les histoires d’un « vieux » sage (non Mao, tu n’es pas vieux, plutôt dans la fleur de l’âge), tu n’oses l’interrompre parce que tu sais que le mec va t’apprendre des centaines de choses tellement intéressantes et enrichissantes… il t’emmène dans son monde, son univers et tu sens tellement cette empreinte de la culture surf que La grange du Shaper affectionne tant. Ce n’est pas impossible de ressentir ça non plus sur l’une de ses superbes planches !
Surfeur, très bon surfeur, il ne cesse de progresser dans son métier de shaper en puisant dans son expérience et il connait les sensations de toutes ses planches de surf, de quoi en faire un shaper des plus avertis et des plus minutieux. Il intègre toutes ses expériences de surf pour façonner des objets uniques et en adéquation avec le surfeur en demande. Mao, c’est le genre de shaper qui peut passer des heures face à la mer, à observer non pas les surfeurs mais les planches sur lesquelles ils dansent et de pouvoir exactement te dire comment elles sont foutues. La Grange du Shaper reste toujours impressionnée face à ces personnages hors du commun rencontrés, ingénieurs et architectes du plaisir de la glisse.
Dans son atelier, Mao n’est pas seul. C’est avec Philipp Reimann alias Philou qu’il passe ses journées et ensemble, ils partagent leurs savoirs et leurs talents tout en gardant chacun leur propre identité et originalité. Le Shape talk de Reimann sera donc sans surprise le prochain sur La Grange du Shaper.
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Article rédigé par Camille – @Camille_lietud.